Marie Sanjuan

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Auteur d’Au fil des nuits, au fil des jours

C’est en 1974, un an après mon arrivée en France, que je rencontrai pour la première fois Etienne Perrot qui me fit connaître C.G. Jung et la fécondité de la voie des rêves. Mon installation définitive en France mit un point final à ma vie d’errance.

Premières années en Espagne
D’origine espagnole, ma vie a été coupée en trois tranches : la tranche espagnole, la tranche mexicaine et la tranche française. Née à Madrid où j’ai vécu mon enfance et mon adolescence, j’ai connu le cauchemar de la guerre civile et de la post-guerre franquiste. Des deux, je ne sais pas laquelle fut la plus terrible. Je pense la seconde, la dictature est celle qui m’a marquée le plus. Sans l’espoir d’une possible victoire, il ne restait qu’à subir, à vivre en permanence dans l’angoisse et la terreur, la menace tyrannique qui planait sur nos têtes.

Ce fut au Lycée Français de Madrid, où ma mère nous avait inscrites ma sœur et moi, tout à fait par hasard d’ailleurs, que je commençai à sentir un petit air de liberté et de protection, dès que je franchissais les portes chaque matin. Mes progrès en français étaient rapides, comme si je devinais que, bien plus tard, la France deviendrait mon pays d’adoption. Juste après mon bac, mon père, réfugié républicain exilé au Mexique, nous avait écrit exprimant son souhait que la famille le rejoigne dans son exil. Pour moi, cette nouvelle eut l’effet d’une bombe, je me faisais une idée plus que négative de ce pays lointain qui deviendrait la terre d’exil pour moi aussi. Mais ma mère accepta tout de suite, soulagée d’abandonner l’Espagne franquiste où elle s’épuisait à travailler au risque de perdre sa santé. Il fallait donc partir…

Le Mexique
La première année à Mexico fut très pénible. Enfermée dans ma vie solitaire, je refusais tout contact avec la réalité mexicaine. Mais, peu à peu, la vie réclamait ses droits me poussant à sortir de ma coquille. C’est ainsi que je découvrais la Faculté de Lettres de San Cosme où je repris mes études et fis la connaissance d’étudiants espagnols et mexicains intelligents et sympathiques, bientôt devenus mes amis. Une autre découverte fut l’Institut Français de l’Amérique Latine, l’IFAL, où j’avais pu obtenir un diplôme d’enseignement du français langue étrangère, ce qui me permit assez vite de devenir professeur à l’IFAL où j’ai travaillé jusqu’à mon départ du pays.

Très jeune, j’ai eu mes deux enfants d’un premier mariage qui ne fit pas long feu. Le Mexique devenait maintenant le pays de mes enfants, ce qui rendait plus facile mon adaptation. Mais l’espoir de partir un jour pour regagner la vieille Europe où j’avais mes racines ne me quittait jamais. Et cela put se réaliser bien des années plus tard, à l’âge de quarante-quatre ans, quand je suis venue en France suivant les traces de l’homme que j’aimais.

Cette deuxième rupture ne fut pas moins douloureuse que la première. De nouveau je laissais derrière moi mon passé, vingt-cinq ans de ma vie, et, surtout, mes enfants deux adolescents déjà de dix-sept et dix-neuf ans. Je ne sais pas encore où j’avais pu trouver la force pour prendre une telle décision. Je sais seulement que je n’avais pas hésité une seconde. Ce fut plus fort que moi, comme si j’obéissais à une volonté autre que la mienne.

La France et la rencontre d’Etienne Perrot
La France n’est pas ma terre natale, mais elle n’a jamais été pour moi une terre étrangère, d’exil. Je l’ai toujours considérée comme mon pays d’adoption et, plus tard, le pays de mon accomplissement intérieur grâce à Etienne Perrot et l’alchimie.

Ma rencontre avec Etienne fut décisive. J’étais arrivée le voir, la première fois, avec deux gros cahiers pleins de rêves que je notais depuis longtemps, depuis que j’avais lu un livre de Jung, L’Homme à la découverte de son âme, où il conseillait de noter toujours les rêves, même sans les comprendre, pour que le processus intérieur suive son cours. En effet, je ne comprenais rien, mais je les transcrivais religieusement. Avec Etienne, ce fut tout un monde profond, inconnu et fécond qui s’ouvrit en moi. Les rêves peuplaient mes nuits, à la différence que maintenant ils étaient interprétés et compris. C’est ainsi que, au bout de deux ans à peu près, les songes commencèrent à me parler d’écriture, que je devais écrire, moi ! Je ne pouvais, ne voulais pas y croire. Et j’avais dit à Etienne en riant : « Et si l’Intérieur se trompait de destinataire ? » Mais, hélas, il ne se trompait pas et c’est alors qu’Etienne me proposa de lui envoyer tout ce qui me passerait par la tête, qu’il serait mon « jardin secret ». Je le fis. Il ne me faisait aucun commentaire jusqu’au jour où il me reçut en me montrant mon dernier écrit : « Ça, oui, on peut le publier. » C’est ainsi que ma carrière de scribe commença. Et je dis bien « scribe », car je n’ai jamais été un écrivain, mais celui qui écrit sous la dictée de l’Intérieur. L’Esprit me souffla l’inspiration pendant vingt-cinq ans et puis, un jour, le souffle s’arrêta. Il partit comme il était venu, sans crier gare, sans que ma volonté n’y fût pour rien ! C’est que l’Intérieur a des mystères que la raison ne comprend pas. Et c’est bien ainsi.

Une partie de mes textes ont été publiés dans mon livre Au fil des nuits, au fil des jours, édité par la Fontaine de Pierre.